Un règne absolu

Le printemps est le temps rêvé pour faire la guerre. Les neiges fondent, les routes redeviennent praticables… Et les incartades aux frontières redoublent de virulence. On racontait même à la cour de Horff que les Faldes pouvaient fouler le sol du royaume de Ganondie, sur nos routes, sans être inquiétés par les armées de la couronne.
Cela avait eu comme conclusion de créer un vent antipathique au Roi, de nobles et courtisans qui ne trouvaient pas leur compte dans la guerre, mais surtout dans le règne du Roi Khordal le Faste. Ce nouveau Roi avait d’ailleurs jeté un voile nouveau sur la couronne Ganonde. A la mort du bon Roi Hudan, fort peu étaient les prétendants au trône, et le Plaid des grands sires de Ganondie ne s’était même pas réuni. Khordal de Desmerus avait alors, par la puissance de l’or, acheté les votes d’influents grands sires Ganondes et hauts prêtres de Volden, et s’était rapidement retrouvé couronné Roi de Ganondie. Il s’agissait là d’une belle affaire pour le clergé de Volden ; Khordal apparaissait comme faible et sans grande volonté.

Le sire Khordal était en effet une personne duale. D’un physique plutôt ingrat, il n’était pas bien grand, d’une corpulence moyenne, et de son visage se voyait surtout son nez à la grecque. Depuis qu’il était devenu Roi, il s’était laissé pousser la barbe, et cela ne lui allait pas trop mal. Les cheveux mi longs, légèrement emmêlés, donnaient un style certain à l’homme, avec sa barbe fournie. Il ne portait comme couronne qu’un cercle d’or, fin, qui lui entourait le crâne. Le sire était dual, car, avant son intronisation, il était sans grand pouvoir. Faible petit seigneur, son autorité sur ses propres terres n’était que peu respectée par ses voisins.
Tout avait changé depuis la mort de Hudan. Khordal s’était montré comme particulièrement autoritaire. Son premier ordre en tant que Roi fut de faire pendre les seigneurs qui avaient par le passé bafoué son autorité. Son second, de faire pendre ceux qui doutaient de lui à la cour de Horff. Enfin, son troisième, d’organiser une immense fête en l’honneur du défunt Hudan. De cette fête, les gens de Horff lui donnèrent le titre de « Khordal le faste », car on racontait que sa cour était des plus animée ; de nombreux banquets y avait lieu, et l’on disait que même l’exotique culture Ai’Teshi ou Haut-tajik y était représentée. Les gens les mieux informés racontaient même que la cour du Roi Khordal était marquée par de nombreux vices ; le luxe, la luxure… Et bien d’autres encore.

Khordal s’était donc montré intransigeant au sein de son propre royaume, mais aussi qu’il savait récompenser ceux qui le soutenaient. Les prêtres de Volden n’avaient jamais été aussi riches, et n’avaient jamais autant reçu d’offrandes, qu’il s’agisse d’armes, de nourriture, ou de prostituées. Or bientôt, l’ennui frappe le Faste. Et l’ennui est un dangereux ennemi. Sous les conseils avisés de son premier Général, le sire Edouard de Fénon, béni par Volden lui-même, la solution vint d’elle-même. Un conflit entre Ganondie et Falde éclata.

C’était pour cette raison que les troupes étaient désormais massées devant Horff. Portant haut les couleurs de Ganondie, elles allaient partir vers Falde, vers l’ennemi. Le Roi avait auparavant demandé à voir son premier capitaine, qui serait porteur des ordres royaux. Le capitaine, suivant la demande son Roi, entra et s’inclina bassement. Il portait des vêtements de cavalier, en cuir souple, renforcé de mailles par endroits, et frappé du blason de Ganondie. Il prit la paroel.

« Mon Roi, les troupes sont prêtes à marcher vers Falde. Les sires Edouard de Fénon, Malek, Velken et Holric ont répondu à votre appel. Quels sont vos ordres ? »

Le Roi, lui, était richement vêtu d’une tenue d’un noir satiné. Sa couronne d’or renvoyait les rayons du soleil matinal qui commençaient à inonder la pièce. Il se leva de son siège, et tendit au capitale un lettre cachetée. Il savait qu’il pouvait avoir confiance en cet homme ; cousin au second degré de l’ancien Roi Hudan, il aurait lui aurait sûrement succédé s’il s’était montré plus intéressé par le pouvoir.

« Vos ordres et ceux des seigneurs Ganondes sont ici. Je vous demande de le leur transmettre. Le sire Edouard de Fénon, en tant que général, commandera les troupes. Je vous ai attribué une mission spécifique. Je veux que vous en informiez Edouard et les autres, et je ne puis tolérer l’échec. Revenez victorieux. »

La lettre changea de main, et le Roi retourna à ses occupations.

« Vous pouvez disposer. »

Lâcha-t-il à la volée.
Le capitaine claqua des talons et sortit. Une heure plus tard, les osts se mettaient en branle et partaient à la guerre.

La guerre est le pire des fléaux. Elle avait ravagé Falde et avait jusqu'à lors plus ou moins épargné Ganondie. Mais, en réponse à la prise de Laher, au pillage de la cité de leur ambassadeur et au rasage de deux importantes cités Faldes, ceux-ci avaient ripostés. Par une pure félonnie, le preux Edouard de Fénon et ses hommes furent contraint de combattre en sous nombre, acculés. Mais, par la sainte grâce de Volden, et parce qu'Edouard n'était rien d'autre que son bras ici bas, les Ganondes l'emportèrent, massacrant ces Faldes arrogants. Mais cette bataille avait coûté cher au grand Fénon. Conscient que l'ennemi allait bientôt envahir son fief, il prit les dispositions nécessaire. La population fut écartée de la cité, et les coffres allaient être transférées. Mais l'ennemi, avide, attaqua avant la sauvegarde de l'or. La populace, elle, fut néanmoins sauvée. Edouard de Fénon, bras de Volden, avait sauvé ce jour des milliers de vies. Ces Faldes assoiffés, ragaillardit par cette victoire facile, se tentèrent à menacer Horff, l'imprenable, le bastion de Volden. Une nouvelle défaite était signée pour Falde, un nouveau massacre. Aucun prisonnier ne fut fait, et l'on donna jusqu'à l'ordre de poursuivre et d'abattre les fuyards.
Dans cette conquête inespérée, les forces Ganondes durent payer le prix fort, mais ils étaient encore là, et les Faldes allaient savoir ce qu'il en coutait d'attaquer les fils de Volden. De nouveaux héros s'élevaient en Ganondie ; Velken, le zélé ambassadeur, avait témoigné son adresse à l'épée, tandis que les sires Holric et Malek, leur totale absence de pitié face à l'ennemi. On racontait même qu'ils honorait encore les anciens rites Ganondes, visant à dévorer les corps de leurs ennemis tombés.

Les Faldes avaient une nouvelle fois lancé une offensive sur Ganondie. Cette fois-ci, leurs attaques avaient percées jusqu'à Siluve. La cité survécu, malgré son pillage, et la populace eut miraculeusement la vie sauve. Les armées Ganondes, réclamant vengeance, massacrèrent allègrement les troupes Faldes qui se risquèrent à rester en Ganondie. Une contre-attaque fut organisée, menée par l'irréductible Edouard de Fénon. Aveuglé par la vengeance, Parioste fut la première cible. Alti, et ses guerrières, la seconde. Après le passage Ganonde, il ne restait plus que ruines de ces jadis deux puissantes cités. La riche cité de Parioste fut un trésor inestimable pour l'effort de guerre Ganonde. Alti, quant à elle, ne représentait qu'un affront fait à la Ganondie. Les femmes-soldats de cette cité avaient harcelée Ganondie plusieurs semaines durant, et Edouard de Fénon avait un compte à rendre avec elles.

Les Faldes avaient par deux fois refusé la paix. Les Ganondes leur montraient une nouvelle fois que la clémence d'un Roi ne se refusait pas comme cela, et que leur arrogance leur couterait plus que le déshonneur de la défaite.