Une rencontre par la force des armes

L’armée Ganonde stationnait aux portes de la jeune cité de Saint d’Eau. La milice s’était rapidement mise en place, mais il apparaissait comme certain qu’elle serait balayée par les soldats Ganondes. Alors que les soldats se mettaient en position, un détachement de cavaliers, portant un drapeau blanc, s’approchèrent de la milice au trot. Une fois à portée de voix – la troupe ne voulant point avancer plus de peur que ces gueux armés de fourches ne fondent sur eux – le son d’un cor retentit, puis, la voix d’un Ganondes.
« Peuple de Saint d’Eau, au nom de mon seigneur, le Roi Khordal, tout puissant seigneur de Ganondie, nous demandons à ce que votre dirigeant s’avance, ici et maintenant. Il ne lui sera fait aucun mal, nous le jurons sur Volden. »
Une fois la Doge à portée de voix, le capitaine Ganonde reprit.
« Doge, mon Roi requiert votre présence à ses côtés, à Horff. Il a entendu parler de vous et aimerait s’entretenir avec vous au sujet d’Aiden le traître, Ganondien mais servant les Doges. Ma Dame, j’ai ordre de recourir à la violence si vous refusez d’obtempérer. Des morts sont-ils utiles pour arriver à ce que mon Roi désire ? »

_ Doge, mon Roi requiert votre présence à ses côtés, à Horff. Il a entendu parler de vous et aimerait s’entretenir avec vous au sujet d’Aiden le traître, Ganondien mais servant les Doges. Ma Dame, j’ai ordre de recourir à la violence si vous refusez d’obtempérer. Des morts sont-ils utiles pour arriver à ce que mon Roi désire ? »



_ Votre Roi n'est pas le mien Triste Sire, vous n'êtes que le messager, certes, mais vous connaissiez la teneur du message et n'avez rien fait pour le rendre moins dur. Est-ce la Ganondie qui vous donne ce caractère brutal ?
Je vous suivrai Triste Sire, pour éclairer de mes conseils le Roi Khordal, puisqu'il prétend en avoir tant besoin. Nous partirons demain matin, le temps d'apprêter mes affaires et prévenir mes gens de cour. Il va de soi que l'hospitalité vous est offerte cette nuit mais vos hommes d'arme établiront leur campement hors de ma ville et ne frayeront pas avec les femmes de Saint d'Eau. Vous m'expliquerez ce soir de quoi il retourne exactement, au cours du repas.



_ Profitez du temps imparti pour vous laver Triste Sire, le voyage a laissé sur vous son odeur caractéristique. Accordez-moi la faveur de respecter l'étiquette et de vous présenter décemment, je souhaite connaître le nom du Hérault du Roi Khordal.

Le capitaine s'était redressé sur sa selle, une tentative comme pour mieux entendre les dires de la Doge. Il avait en effet été un peu abrupte, mais il était soldat, et s'adressait à une ennemie. Elle n'était pas sans savoir les ravages qu'avaient commis ses frères dans la belle Ganondie. De plus, il doutait de l'impact de sa demande, si tant est qu'elle fusse plus douce. Non, son rôle n'était point d'être doux, mais efficace, et, par la couronne Ganonde, il le serait. Voyant que la Doge ne lui laisserait que l'instant pour lui glisser son nom, il encaissa son discours, bien qu'à entente de certaines paroles, son sang ne fit qu'un tour. Ces Faldes hautains voyaient donc la Ganondie comme un peuple barbare, dénué de la moindre once de civilisation ? Etaient-ils devenus les ogres terrifiants des contes Faldes ? En si peu de temps, il ne le pensait pas. A l'avenir, sûrement, et le Sire Edouard de Fénon y figurerait en bonne place.
Alors que la Doge partait, il lui dit son nom, bien que renfrogné par sa remarque sur son odeur.

"Je me nomme Aran de Guès, cousin de Hudan, ancien Roi de Ganondie, et je serais honoré de partager votre repas."

Avant qu'il ai dit tout cela, la Dame était déjà partie, et les derniers mots furent dits sur un ton bien plus bas. Le regard du capitaine croisa celui du sergent, et tout deux se demandèrent sur l'instant, qui de la Dame de Saint d'Eau ou de l'armée Ganonde avait été la plus impressionnante. Aran déchanta vite lorsqu'il réalisa le danger de laisser stationner son régiment en terres ennemies. Il faudrait faire vite, et prier Volden pour qu'il s'agisse pas d'un piège. Des ordres furent donnés pour que les soldats établissent un rapide camp en bordure de la cité, et que des rondes soient données. Aucune permission ne fut donnée ce soir là, seul le Capitaine de Guès et son fidèle sergent, en sortirent, toilettés au mieux que leur permettait un campement militaire, pour aller chercher leur prisonnière.

_ Que devons-nous faire, Altesse ?" c'était Yurgel, l'intendant de Saint d'Eau.
_ Oublie toutes idées belliqueuses, nous ne gagnerons qu'un court répit. Non, fais demander un festin ..." lui répondit Camille.
_ ... ? Pour ces chiens ?
_ Non, pour mon dernier repas à Saint d'Eau. Fais ce que je te dis.


_ SEIGNEUR ARAN !! DE LA MAISON GANONDIENNE DE GUES !!


_ Par les lois de l'hospitalité soyez le bienvenue, Dan Triste Sire ou devrai-je dire Seigneur Aran. Je vous enjoinds à prendre place prêt de moi.


_ Voulez-vous une pipe, Seigneur Aran ? lui demanda Camille, les yeux brillants de malice. Après nous irons faire un tour, le grand air me fera du bien. Vous m'expliquerez comment m'adresser à votre suzerrain. Vous m'expliquerez le pourquoi de la guerre faldo-ganondienne dont je n'entends strict mots.

"Et s'il s'agissait d'un piège ?"

lâcha le sergent Melnos, sur la défensive. Ils traversaient les rues de la jeune cité à cheval, au pas. Melnos redoublait de vigilance. Il savait à quoi s'en tenir avec les Faldes, il avait déjà combattu et participé au sac de quelques unes de leurs cités.

"Je connais ces pourceaux, capitaine. Ils n'ont aucun sens de l'honneur, il nous abattrons dans le dos dès que nous entrerons dans sa demeure ! Les Faldes ne méritent pas notre confiance, nos dirigeants l'ont bien compris."

Le capitaine, impassible, trahissait néanmoins une méfiance toute aussi vivace. Il se rassurait en se disant que les assassiner reviendrait à sonner le glas de leur cité, puisque les troupes Ganondes, vengeresses, laveraient l'honneur de leurs officiers. Ils finirent par arriver devant la demeure de la Dame et mirent pied à terre. Là, ils entrèrent. Ils étaient tout deux vêtus comme des militaires, d'une chemise blanche simple et d'une paire de chausses noires, ils avaient aussi un pourpoint de cuir souple, frappé au niveau du coeur par le blason de Ganondie. De hautes bottes de cuir, faisant penser à des bottes de cavaliers, remontaient presque jusqu'aux genoux. Enfin, à leur ceinture, trônait une épée qui, à chaque mouvement, frappait doucement le long de leur cuisse gauche. Ils entrèrent, et le capitaine Aran fut annoncé. Le silence crée par cet appel ne le gêna point ; c'est à peine s'il s'en rendit compte, mais il s'avoua à lui-même que l'événement avait quelque chose de cocasse.

Cela lui fit sur l'instant vaguement penser à la cour de Horff, bien que celle de son Roi était bien plus fastueuse. Il remarqua que les convives étaient tous pour la plupart, extrêmement jeunes. Là, Il donna un ordre clair à Melnos ; "pas d'incartades, sauf si nécessaire", et il se laissa conduire à la place qui lui avait été attribuée. Aran parla peu, au début. Il se contentait seulement de répondre, le plus courtoisement qu'il le pouvait, à son hôte. Il mangea peu, et ne bu que de l'eau. Il était visible qu'il était sur la défensive, et évitait de croiser le regard des convives. D'ailleurs, la tournure que prenait le diner l'indisposa ; il se demanda un instant si cela n'allait pas finir en bacchanales. Il n'était pas homme à apprécier cela, même si la cour du Roi Khordal était reconnue en Ganondie pour ses excès sur de nombreux domaines.
On apporta finalement des pipes, et Dame Camille s'adressa une nouvelle fois à lui. Il refusa poliment l'offre.

"Veuillez m'excuser, je suis extrêmement difficile en terme de tabac, seul le tabac Ganonde trouve grâce à mes yeux." Son ton ne se voulait pas tranchant, mais il n'était pas des plus mielleux. A l'évocation d'une promenade, il faillit perdre patience.

"Ma Dame, je perçois le but de votre manœuvre ; faire gagner du temps à vos compatriotes pour qu'ils viennent à votre secours. Mais cela n'arrivera pas, j'ai pris mes précautions, et je commence à être las de ce jeu auquel vous vous adonnez. Mais, comme j'ai reçu des ordres clairs de la part de mon Roi, je me dois de respecter vos obligeances si elles ne sont pas un danger pour ma mission."

Il la regarda plus attentivement.

"C'est pour cela que je consent à vous donner, dans la mesure du possible, les réponses à vos questions. Mais n'essayez pas de me faire croire que vous êtes restée sourde au conflit qui déchire votre royaume."

_ Trouve du tabac Ganonde pour Sieur Chauvin ici présent, et dépêche-toi.



_ Laissez-moi vous dire que vous êtes désagréable et que vous ne percevez pas aussi bien les choses que vous le pensez. Que pensiez-vous trouver à Saint d'Eau, Capitaine ? Nous sommes loin de tout, trop modeste pour attirer les armées -ennemies ou pillardes. Notre cité est trop récente pour que les "Grands" de Falde se soucient de notre existence ... Falde est grand : nous n'avons entendu que des rumeurs, des éclats de la guerre à laquelle nous n'entendons rien. Et mes compatriotes ne léveraient pas une armée pour moi.



_ Je hais la faiblesse, Capitaine Aran. Il est naturel que les forts imposent leurs vues aux faibles, qu'ils soient faldiens ou ganondiens. Cette loi est universelle et je l'accepte. Il va de soi que je préférerais que Falde soit en état de supériorité ; ce n'est pas le cas et ça ne m'attriste pas plus que ça. Je vous choque ? J'aime l'indépendance, la liberté et entends bien les conserver en Falde ou en Ganondie.



_ Qui est à l'origine de cette guerre, Capitaine Aran ? Depuis quand dure t-elle ? Vous n'êtes pas obligé de me répondre maintenant ; vous pourrez le faire demain matin, sur le trajet. Ah, voici votre pipe Dan Triste Sire.

Aran se saisit de la pipe, qu'il bourra de tabac Ganonde, avant de la poser sur le table. Il espérait attirer l'attention de la Dame sur la discussion, et cela lui permet de se détourner de son regard. Tout cela le rendait nerveux, et l'euphorie qui montait dans la pièce le gênait. Toute cette fornication hystérique était de trop pour lui, et il chercha du regard Melnos, sans pour autant le trouver. Il se permit de répondre sur le même ton que la dame.

"Je dispose des manières d'un soldat en tant de guerre et sur un territoire ennemi, ma Dame. Considérez que j'ai été particulièrement courtois en acceptant de diner autour de cette débauche, alors que j'aurai pu raser votre village et vous emmener, de gré ou de force."

Il marqua une pause, essayant de se calmer.

"La guerre, ma Dame, est une chose. Savoir qui l'a déclenché en est une autre. En fonction de la personne avec qui vous parlez, la réponse que vous obtiendrez sera différente. Sachez que, dans mon cas, la Ganondie a déclaré la guerre à Falde après que des armées eussent foulé notre sol, et nous ne les arrêtâmes que devant Horff. Cela va bientôt faire deux ans que le conflit a éclaté, et bientôt deux ans que nos royaumes s'affrontent. Je crois en les valeurs de Ganondie. Je crois en Volden, et la tournure que prend la guerre, à notre avantage, me force à penser que j'étais dans le vrai. Mon Roi est un roi bon, il a toujours œuvré dans l'intérêt de ses gens, et l'on raconte qu'il a, à de nombreuses reprises, tendu une main secourable à vos compatriotes, qui lui ont craché au visage."

Il regarde une nouvelle fois autour de lui, et semble écoeuré par la scène. Il se lève alors.

"Je pense que la soirée touche à sa fin. J'ai une mission, et je la mènerai à bien. Maintenant ma Dame, je vous souhaite la bonne nuit. Demain, aux aurores, je viendrai vous chercher, et nous vous escorterons jusqu'à Horff."

_ Décidément, vous prenez un malin plaisir à me contrarier. Mais je commence à vous apprécier Capitaine Triste Sire et j'aime à vous taquiner. Ne dit-on pas : "qui aime bien, châtie bien" ? La soirée ne fait que commencer Seigneur Aran, mais je peux comprendre que vous vouliez prendre congé : le voyage a dû être épuisant.



_ Une dernière chose Seigneur, saviez-vous que Camille était un prénom épicène ?

Ils partirent le lendemain, aux premières heures de l'aurore. De Guès ne permit à la Dame de Saint d'Eau d'emmener personne avec elle, prétextant que Horff disposait déjà de serviteurs et de courtisans. Il assura aussi que d'autres Faldes seraient conviés à Horff. Le Capitaine Aran tint parole, et la dame effectua son voyage d'un carrosse, aménagé et nettement plus confortable. Il chargea aussi plusieurs de ses hommes à la surveillance de sa nouvelle cargaison, et c'est ainsi qu'ils finirent à arriver à Horff, après plusieurs de route. Là, l'armée fit halte, et le capitale se chargea, avec quelques hommes d'escorter Dame Entrelacs jusqu'au Palais Royal.



Horff, siège du pouvoir royal, a très tôt cherché à se démarquer des autres grandes cités ganondes. Aussi les rois, pendant plusieurs générations, dilapidèrent les deniers publics pour ériger une ville à la hauteur de leur orgueil. Ainsi s'élèvent de hautes maisons se jouxtant les unes les autres. Séparées par des routes étriquées, elles sont abritées par des toits hauts et aigus, étrangers au style ganonde. Au coeur même de la capitale trône, majestueux, le palais. Il est constitué de pierres de taille et de vitraux, de colonnes et d'arc-boutant. C'est là que vivent la famille royale, de nombreux seigneurs et grands prêtres. Le Plaid se tient la plupart du temps à l'intérieur. Plus loin, se dresse le temple gigantesque dédié à Vølden, dit le grand temple d'Horff. Situé sur une hauteur, il domine toute la ville, inquiétant. Un large et long perron amène le visiteur au devant de l'entrée béante, où s'aligne une série de colonnes, de la structure, et pendant toute l'avancée, on sent sur soi l'ombre des statues de granit qui gardent le sanctuaire.

Mais si le bâtiment inquiète, ses sous-sols sont bien plus édifiants. En effet, des centaines de prêtres de Vølden, accompagnés d'Apprenants non moins nombreux, forgent nuit et jour, prient nuit et jour, sacrifient nuit et jour. C'est là une immense cité souterraine invisible aux yeux des profanes, qui s'agite, qui s'anime, laissant pour seule trace de leur activité les volutes de fumée grise qui s'échappent des alentours du temple gigantesque.

Aran mena la Dame jusqu'à l'entrée du Palais. Il lui sembla qu'il se sentait ragaillardit. Il n'y avait bien là qu'un Ganonde pour se sentir revivre devant pareil moment. Il échangea quelques mots avec l'un des gardes qui gardaient l'entrée, qui s'éloigna au gré des long couloirs peu après. Aran finit par ouvrir la porte du carrosse et prier la Dame de sortir.

"Nous voici arrivé." dit-il.
Il lui tendit son bras pour l'aider à descendre, et reprit.

"J'ai fais en sorte que l'on vous mène à vos quartiers et que l'on réponde à toutes les questions que votre curiosité jugera bonne de poser. J'ai moi-même un rendez-vous avec le Roi dans quelques heures. Je pense que vous le rencontrerez demain."

Il s'inclina et, alors qu'il s'apprêtait à partir, se reprit.

"Ah ! Et bienvenue à Horff, Capitale de la Ganondie, et fief du Roi Khordal, Dame D'Entrelacs."

_ Dieux !!? Les hommes ont-ils perdu l'esprit pour construire pareil édifice ? Quel architecte dément a t-il pu ériger cette ville, combien d'esclave sont-ils morts pour ces constructions cyclopéennes ?



_ J'ai fais en sorte que l'on vous mène à vos quartiers et que l'on réponde à toutes les questions que votre curiosité jugera bonne de poser. J'ai moi-même un rendez-vous avec le Roi dans quelques heures. Je pense que vous le rencontrerez demain.



_ Ah ! Et bienvenue à Horff, Capitale de la Ganondie, et fief du Roi Khordal, Dame D'Entrelacs.
_ Comment voulez-vous que je me sente à mon aise à Horff, Capitaine de La Brute ? Les Dieux ont dû vous rendre fou pour vivre en cet endroit. Je ne connais personne ici hormis vous et la solitude me pèse déjà. Que vais-je devenir ?

Aran se présenta devant son Roi, quelques heures après. Il avait revêtu des habits militaires, plus destinés aux cours qu'aux champs de bataille. Plutôt resserré, ce costume semblait le mettre mal à l'aise, et son col devait horriblement le gêner, puisqu'il essayait de le desserrer à la moindre occasion. A sa ceinture trônait une épée cérémonielle, richement décorée. Khordal, lui, était vautré sur son trône. Fait d'un mélange de pierre taillée et de métal ciselé, il surplombait la salle de quelques marches, l'effet étant amplifié par la tête du siège royal, tout de métal, et montant près d'un mètre au dessus de la taille normale d'un homme. La salle, elle, était plutôt étriquée, et toute en longueur. Un long tapis rouge allait de la porte aux trône lui même, encadrée par de lourdes colonnades soutenant un toit en arc-boutant. Pour illuminer la salle, les longueurs des pans de mur étaient parsemées de vitraux, tous de taille impressionnantes, et représentant différents moments de l'histoire Ganonde. Aux pieds du trône, encadrant le Roi, hormis la foule de conseillers qui, normalement, y gravitent sans arrêt, se trouvent deux gardes, membres de la garde royale du Palais. Immobiles, ils n'ont d'ordres à recevoir que du Roi lui-même.

Une servante venait de porter un plateau de raisin frais à sa majesté qui, après avoir écourté d'un geste de la main les civilités que la coutume exige, alla droit au but.

"J'ai appris que vous ne me ramenez qu'un seul Doge. Enfin, qu'une. Ou sont les autres ? Comment voulez-vous que je fasse fléchir politiquement ces ânes bâtés avec un seul de leur représentant ? Il y a fort à parier qu'ils préfèreront que nous la pendions par ses propres tripes plutôt que de négocier la paix."

Il goba deux grains de raisin.

"Aran, vous avez rempli votre mission à moitié. Quelle est votre excuse ?"

Le capitaine s'était éclaircit la voix et n'avait pas quitté le Roi des yeux. Absolument pas décontenancé, il ne voulait pas montrer une signe de faiblesse devant son Roi.

"Le manque d'hommes, mon seigneur. L'ennemi aurait pu facilement intercepter mon régiment et nous écraser, mettant ainsi un terme à la mission que vous m'aviez confié. J'ai jugé sage de préserver une partie de votre demande."

Le Roi se redressa et haussa le sourcil.

"Admettons. Vous êtes capitaine, je vous espère capable de prendre des décisions militaires, mais pas d'interpréter mes ordres. La prochaine fois Aran, votre sang ne vous sauvera pas de la disgrâce. Vous pouvez disposer."

Aran claqua des talons, salua et se dirigeait vers la porte quand la voix de son Roi se fit une nouvelle fois entendre, mielleuse.

"J'oubliais. Le royaume de Ganondie vous remercie pour vos précieux services."

Le capitaine contint sa rage et sortit.
Quelques minutes plus tard, un domestique sortit à son tour de la salle du trône. Le Roi Khordal désirait voir sur l'instant la Doge. L'impatience serait-il un défaut ?

_ Le Roi Khordal souhaite vous voir sur-le-champ, Doge !!



_ Bien, puisqu'il le faut, je vous suis.

La Dame d'Entrelacs fut guidée à travers un dédale de couloirs, plutôt étroits et nus pour la plupart. Le bruit des pas résonnait à travers toute l'aile du palais, et, après quelques minutes, on finit par la faire pénétrer dans la salle du trône. Là, un des gardes royaux l'arrêta un instant, pour lui chuchoter quelques mots.

"Une délégation Falde est arrivée à Horff. Le Roi a demandé à la voir en même temps que vous."

Puis, elle entra. Khordal, affalé sur son trône, se redressa à sa vie, et réajusta sa couronne. En quelques gestes, il fit sortir les différents serviteurs et conseillers qui gravitaient autour de lui. La garde avait été visiblement renforcée, et l'ambiance semblait explosive. La dame d'Entrelacs se trouvait désormais dans la salle du trône du plus puissant royaume Retrane, face au Roi le plus influent du monde connu.

_ Votre Majesté ! Votre auguste personne m'a fait mander pour des conseils et me voilà. J'ai cru comprendre que sa Majesté était impatiente ; peut-être pourrions-nous en venir au fait ?

Le Roi, à son tour, hocha - fort peu distinctement - la tête.

"Les faits ! Ah oui, j'ai cru comprendre que vous autres, Faldes, aimiez les faits. Plus que les paroles en tout cas, et cela se ressent dans votre politique extérieure. J'espère que vos quartiers sont à votre convenance, Dame d'Entrelacs. Dans le cas contraire, je pourrai faire quelques modifications et..."

Il s'interrompit lui-même, resta un moment silencieux.

"Mais les faits, j'oubliais. Ma Dame, il n'est pas sans vous cacher que je sais beaucoup de choses, et cela est normal. Si je devais prendre des décisions sans informations, comment pourrais-je guider mon royaume efficacement ?"

Il la fixa plus attentivement.

"J'ai eu vent que vous étiez devenue proche avec un certain Doge, un certain Aiden. J'aimerai de vous tous les renseignements possibles à son sujet. Cet homme est un traître à la couronne Ganonde, il a renié son serment envers ma personne pour rejoindre nos ennemis, les Faldes. Il a semé la destruction sur les terres de ses ancêtres et je ne puis tolérer cela. Je suis un homme direct, ma dame, et je ne vous cache pas que j'aimerai le retrouver pour que sa tête trône au sommet d'une pique. Mais n'est-ce pas là pure justice ?"

_ Ma foi, mes appartements me conviennent à merveille. Il est étonnant d'ailleurs que vous pensiez à mon confort malgré le froid glacial qui reigne entre nos deux pays. Pour en venir au sujet qui vous tient à coeur, je n'étais pas proche de l'homme se faisant appeler le Doge Aiden. Un fort bel homme d'ailleurs, bien bâtit. Il se trouve que j'eus l'honneur de lui offrir l'hospitalité après que nous eussions échangé quelques mots durs l'un l'autre. Je ne connaissais pas son passé et à vrai dire il m'importe peu ; voyez-vous en Falde l'hospitalité est sacrée et celui (ou celle) qui viole sa parole est maudit par les Dieux.
Làs, en cours de repas il dû partir précipitemment car des soudards étaient à sa recherche. Il ne voulait pas faire encourrir à ma ville un quelconque danger. Il s'est comporté comme un mufle : Saint d'Eau ayant donné l'hospitalité se serait fait un devoir de le protéger, jusqu'à la mort. Il eut aussi le culot de me déclarer sa flamme devant toute ma cour avant de tourner les talons ; cela n'a rien d'une attitude d'un gentilhomme.
Quant à savoir où il se terre à vrai dire je ne sais guère. Il me semble que vous soyez attaché à votre passé, Roi Khordal, à votre terre et à vos traditions, peut-être même un peu trop. S'agit-il d'une justice ou d'une vendetta, on peut se poser la question ...

Le Roi reprit aussi vite.

"Se poser une telle question en ma demeure serait une offense à l'hôte que je suis, ma Dame."

Un homme, assez âgé, vint souffler quelques paroles à l'oreille du Roi. Visiblement contrarié, celui-ci lâcha.

"Faîtes-les entrer."

A sa demande, les portes de la salle du trône finirent par s'ouvrir, et on introduisit la délégation Falde, venue à Horff négocier.

_ Recevez les salutations de Falde, Roi Khordal de Ganondie. Nous sommes ici pour discuter des détails concernant l'offre de paix offerte par la Ganondie à Falde. Cependant, votre hérault m'ayant informé d'attaque Falde sur votre royaume, peut-être voudriez-vous revoir votre proposition. Il me semble toutefois qu'un juste courroux se soit abattu sur les coupables ...
Dans le cas contraire nous attendons vos conditions.

La Roi des Ganondes salua d'un geste le représentant de la délégation Falde. Contrarié par son échange avec d'Entrelacs, il essayait néanmoins de camoufler un peu sa colère. A l'énonciation des attaques récentes sur Ganondie, il sourit.

"Certains d'entre-vous ignorent tout simplement la notion de négociation, mais nous ignorons nous aussi la notion de pitié, ce qui, dans pareille situation, tombe fort à pic."

Il regarda plus attentivement Ravenstein.

"Tout d'abord, j'ai cru que Falde était organisée autour d'un chef, fort, et qui maintenait le royaume en bonne voie. Je crois que vous le nommez Stratège, bref. Mais, après cette guerre et les assauts personnels que nous avons pu constater, j'ai revu mon idée sur l'organisation Falde. Vous, Doges, semblez très attachés à votre indépendance, tellement attachés qu'il me faudrait négocier la paix avec chacun d'entre vous pour être certain de l'obtenir dans sa totalité. Mais cela serait un processus fort long et ma patience, bien que grande, dispose néanmoins de ses limites."

Il marqua une pause.

"Ganondie est toujours prête à faire la paix avec Falde, mais ne la fera désormais qu'avec les Doges ayant accepté de signer le traité de paix. Les autres seront considérés comme des ennemis, purement et simplement."

_ Vous avez bien analysé la politique faldienne, Roi Khordal. L'individualité faldienne pourrait bien causer la perte de mon peuple ; le sentiment national n'est pas assez fort pour nous souder les uns aux autres. Cela peut paraître étrange aux yeux d'étrangers, mais cette situation nous offre une liberté fragile et ô combien précieuse. J'ajouterai, pour abonder en votre sens, que depuis la dernière tentative d'assassinat sur notre regreté Startège -Dieu ait son âme- la politique commune du territoire est quelque peu entravée et instable.
Nous ferons selon vos désirs et je vais de ce pas envoyer des estafettes silloner le pays afin de tenir les Doges de Falde informés de vos conditions. Doivent-ils vous répondre personnellement ?

Les cors sonnèrent et la négociation fut sur l'instant ajournée. Horff était attaquée. Le Roi, rouge de rage, que l'on ose porter la guerre chez lui durant les négociations, hurlait des ordres en tout sens. Les ambassadeurs furent conduits à leurs appartements tandis que la garde se renforçait au palais. Une heure plus tard, la menace fut écrasée sous une pluie de flèches tirées des hauteurs de Horff. Les bannières indiquaient Falde. Dans la journée, des cavaliers vinrent à Horff, porteurs de nouvelles de pillages et destructions. Une nouvelle fois, les Doges faisaient preuve de leur barbarie, faisant fi des périodes de paix dues aux négociations.

Le Roi lui-même se déplaça dans les appartements des ambassadeurs pour leur porter un message.

"Désormais, Ganondie entre en guerre. Mais Ganondie désire toujours la paix avec les Doges la désirant eux aussi. Que ceux-ci se fassent connaître auprès de Horff, et leurs fiefs seront épargnés. Pour les autres, que votre dieu ai pitié de leur âme, car Volden, lui, n'en aura aucune."

_ Roi Khordal, la situation requiert la présence de Camille d'Entrelacs et la mienne à Laher, auprès du Conseil des Doges. Croyez bien que je sois navré du tour que prennent les évènements. J'ai pu constater que vous êtes un homme de parole et que seules les cités belliqueuses ont été touchées ; ces faits ont été rapportés auprès du Conseil qui apprécie le geste à sa juste valeur.